Groppi t’es complice : stop A412

Dans la nuit du 12 au 13 décembre, le comité local des Soulèvements de la Terre – Genève s’est rendu au siège de Groppi TP à Margencel (Haute-Savoie) pour lui refaire sa déco de Noël. Groppi avait annoncé fin octobre son partenariat avec AMEDEA (du groupe Eiffage) pour la construction de l’autoroute A412.
Nous appelons Groppi à rompre immédiatement le contrat qui le lie à AMEDEA pour la construction de l’autoroute A412 !
Le 28 octobre, Groppi annonce qu’il est fier d’être co-traitant de la construction de l’A412, aux côtés d’AMEDEA (du groupe Eiffage). Il décrit le projet comme « ambitieux » et « contribu[ant] au développement de la Haute-Savoie ».
Nous tenions à lui rappeler que les ambitions du projet sont bien réelles et destructrices : artificialisation et parcellarisation des terrains agricoles, contribution à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, destruction d’habitats naturels, concurrence avec le rail (bien plus écologique), favorisation des intérêts industriels, dépouillage de la population locale.
Le développement de la Haute-Savoie ne se fera pas à ce prix-là !
Eiffage et Amedea dépendent de contrats avec de « petites entreprises » pour construire leur foutue autoroute. Celles-ci peuvent leur fournir de la main d’oeuvre et de la matière première locale. Eiffage est gagnant sur toute la ligne, Groppi s’en met plein les fouilles et c’est encore les mêmes qui trinquent : les paysan.ne.x.s, les habitant.e.x.s loc.ales.aux et les victimes du réchauffement climatique local et global.
Petit rappel : Groppi n’est pas une petite entreprise (même si c’est un bien plus petit poisson qu’Eiffage). Elle réalise un chiffre d’affaire de plusieurs dizaines de millions chaque année. Pour atteindre un chiffre d’affaire pareil, ils sélectionnent leurs projets non pas pour ce qu’ils sont mais pour combien d’argent ils vont leur rapporter. Cette nuit, nous leur avons rappelé que cette stratégie irresponsable a un prix.
L’A412 est au bénéfice d’une déclaration d’utilité publique mais il serait bien plus correct de la sanctionner d’un certificat d’intérêt privé.
Comment se fait-il que des entreprises meurtrières ne cessent d’augmenter leurs chiffres d’affaire alors même que la population mondiale fait face à l’inflation sanglante ?
L’A412 illustre une fois de plus cette tendance. C’est le groupe Eiffage, par l’intermédiaire d’AMEDEA, qui a décroché le jackpot avec le contrat de concession de 55 ans pour la construction et la maintien de l’autoroute entre Thonon et Machilly. Eiffage, c’est 21,8 milliards de chiffre d’affaires en 2023 et 1 milliard de bénéfices. 46% de son chiffre d’affaires vient des concessions. Pour l’A412, AMEDEA va investir environ 300 millions d’euros (pas une grande somme à son échelle). Ensuite, pendant des dizaines d’années, l’entreprise profitera un max grâce aux péages de ce contrat de concession totalement à son avantage.
Alors que les prix montent partout en France, les riches actionnaires d’Eiffage voient encore leurs dividendes augmenter.
Pour Groppi, les chiffres sont moins vertigineux, mais son chiffre d’affaire s’élève tout de même à plus de 23 millions en 2023 (+2,2% de plus qu’en 2022).
L’A412 est-elle nécessaire pour les habitant.e.x.s du Chablais ou pour les entreprises alliées aux empires de la construction telles qu’Evian ou les Papeteries du Léman ?
Les prix des péages de l’A412 ne sont pas encore connus mais ils devraient être aux alentours de 5 euros pour 16.5km (la longueur du tronçon), c’est-à-dire ni plus ni moins que la peau du cul. C’est d’autant plus révoltant que cet argent part directement dans les poches des privés sans aucune possibilité de redistribution ou investissement dans des politiques solidaires.
Il est évident que cette autoroute bénéficie bien plus à dimmenses entreprises qu’au Chablais et à ses habitant.e.x.s. Ne prenons que l’exemple d’Evian qui extrait 1,5 milliards de litres d’eau et met en circulation entre 140 et 180 camions par jour (chiffre qui pourrait encore augmenter avec l’A412). Alors même qu’ils n’utilisent pas tous les créneaux de fret ferroviaire qui leur sont attribués.
Dans le même temps, 75% des déplacements des habitant.e.x.s dans le Chablais sont d’une longueure égale ou inférieure à 3 km.
L’A412 est au bénéfice d’une déclaration d’utilité publique mais il serait bien plus correct de la sanctionner d’un certificat d’intérêt privé.
Comment tolérer que ces intérêts privés motivés uniquement par la croissance économique soient priorisés par l’Etat ?
Tous les coups sont permis pour engranger des millions. C’est comme ça qu’on pourrait résumer le business model d’Eiffage.
Il faut bien dire que l’Etat se plie en quatre pour lui accorder tous les avantages possibles et imaginables : revente des sociétés étatiques en 2006, accord entre l’Etat et les concessionaires extrêmement avantageux pour les privés en 2015 et des concessions-éternités qui sont pourtant critiquées même par la Cour des comptes et le Sénat (c’est-à-dire pas exactement des gauchistes).
Malgré tout ça, Eiffage ose annoncer que ces investissements représentent des risques pour eux et qu’ils sont prêts à assumer les pertes potentielles. Peut-on appeler ça autrement que du foutage de gueule ?
Comment rester silencieux.ses alors que l’on sait combien de recours ont été contournés par la justice française afin de réaliser les rêves dEiffage et de ses complices ?
Les oppositions à l’autoroute sont multiples et fortes : le projet a plus de trente ans et les voix contestataires continuent à être invisibilisées. 
Des alternatives existent pourtant, telles que le renforcement des services de transports publics. La construction de l’autoroute empêcherait la construction d’une deuxième voie de train, nécessaire pour les croisements et bloquerait donc l’augmentation de la fréquence des liaisons entre Thônon et Genève.
La déclaration d’utilité publique date de 2019, c’est-à-dire un moment où le Léman Express n’était même pas encore entré en service. Ainsi, toutes les décisions de justice validant le projet et son utilité reposent sur une situation tronquée.
Nous appelons Groppi à rompre immédiatement le contrat qui le lie à AMEDEA pour la construction de l’autoroute A412 !

Qu’est-ce que l’autoroute A412 ?

C’est un vieux projet bien pourri dont les travaux pourraient commencer tout prochainement… C’est une autoroute 2×2 voies de 16,5km entre Thônon-les-Bains et Machilly. Voici quelques arguments pour montrer l’inutilité et la nuisibilité de ce projet !

Une autoroute par les puissants et pour les puissants

– L’autoroute du Chablais est un vieux projet qui a plus de trente ans. Depuis le début, il y a une forte opposition d’habitantexs et d’associations locales qui ne sont pas entendues. Certaines associations se sont même constituées uniquement pour s’opposer à la construction de l’autoroute.
– Sur place, la résistance est forte: la dernière manifestation a réuni plus de 50 tracteurs et au moment de l’enquête publique c’est 17 des 18 fermes laitières des coopératives (citées ci-dessus) qui se sont farouchement opposées au projet, aux côtés du SIR (syndicat interprofessionnel du reblochon) et de plusieurs organisations syndicales. Les agriculteurs refusent ainsi d’être « la variable d’ajustement de cette infrastructure”.
– La construction de cette autoroute repose sur une déclaration d’utilité publique (DUP) douteuse délivrée en 2019. Depuis, le leman express – qui déplace jusqu’à 1’300 passagèrexs par heure à l’heure de pointe – a été développé et constitue une alternative fonctionnelle à l’autoroute mais n’est pas considérée dans la DUP
– Pour ne pas avoir à passer par le chemin démocratique local et normal, les autorités sont passées en force par l’assemblée nationale et le sénat. Ce qui leur a permis d’éviter les contradictions au niveau local, de museler les oppositions, d’alléger le temps et l’importance des enquêtes publiques et d’impact environnemental, etc.
– L’A412 va servir beaucoup plus aux industriels de la région qu’aux habitantexs. C’est un projet estimé à 387 millions d’euros qu’Eiffage entend bien rentabiliser. Il y a actuellement 55 projets autouroutiers en France pour un total de 18 milliards d’euros (dont 12 milliards publics). Par exemple, les eaux d’Evian va directement bénéficier de l’A412 puisqu’ils exportent déjà aujourd’hui entre 140 et 180 camions par jour.

Une autoroute qui menace l’agriculture régionale

– L’A412 menace l’agriculture régionale et particulièrement les exploitations laitières et les acteurs économiques qui y sont liés.

– L’augmentation de la pollution de l’air et des sols due au trafic induit et à la construction de l’autoroute aura des effets néfastes sur les exploitations agricoles.

– C’est une perte irréversible de plus de 50ha d’espaces agricoles qui est en jeu et qui concerne 30 exploitations agricoles. Les compensations surfaciques, tout comme les compensations collectives sont risibles voire mensongères.

– Les agriculteurices dénoncent le fort taux d’urbanisation de la région qui participe à la destruction de terres agricoles et empêche d’envisager des compensations dans la région. Financièrement, iels estiment leur perte à 20 millions d’euros pour la filière du lait sur la durée de la concession (75’000 reblochons par an).

Une autoroute qui détruit la biodiversité

– 15 espaces naturels différents qui sont menacés sur le tronçon de 16,5km.
– 76 ha de milieux boisés ; 69 ha de milieux prairiaux et bocagers ; 27 à 34ha de zones humides seront détruits
– 126 ha d’habitats naturels (soit plus de 170 terrains de foot, 1 ha = 1,4 terrain de foot) seront détruits
→ 58 ha utilisés pour le repos et l’hivernage des amphibiens.
→ 118 ha d’habitats pour les reptiules
→ 122 ha d’habitats pour les oiseaux
→ 119 ha utilisés par les chauve-souris
→ 8 ha d’habitat du castor d’Europe
→ Les écureuils, les hérissons et les muscardins sont aussi concernés.

– 77 ha d’intérêt communautaire seront détruits (dont 4ha d’habitats prioritaires)

– 74ha de la forêt de Planbois seront détruits alors qu’ils abritent des espèces emblématiques comme le castor, très présent près de Bons.
– Le castor est le premier animal protégé en France en 1909.
Il est le plus grand transformateur de son environnement après les humains. Mais c’est positif, il favorise la biodiversité, régule les cours d’eau, régénère des écosystèmes, hydrate les sols et prévient des inondations.
Entre Avril 2024 et l’été 2025, c’est l’année du castor décrétée par la Société de protection de la nature pour célébrer les 50 ans de sa réintroduction dans la Loire.
Il reste classé sur liste rouge des espèces menacées.
Sa préservation et son développement font partie de la stratégie nationale biodiversité 2030.

– Des sites Natura 2000 subiront un impact limité. Toutefois, on ne dispose pas d’analyses sur l’impact à propos des couloirs faunistiques. Notamment en ce qui concerne le lynx.

Une autoroute chère et inutile

– Des solutions plus raisonnables et fonctionnelles sont largement possibles. Il faudrait par exemple développer le réseau de transports publics en aménageant une voie de bus sur la départementale et élargir le volume de train, entre autres plus tôt le matin.
– L’A412 n’atteindrait pas les objectifs annoncés. Construire des autoroutes ne fluidifie pas le trafic mais appelle à toujours plus prendre sa voiture et crée au final plus de bouchons.
– L’A412 engorgerait les communes aux alentours du tracé.
– Elle ne réduirait que de quelques minutes (si il n’y a pas de bouchons) le trajet entre Thonon et Machilly par les routes départementales.
– 3/4 des déplacements de la population locale font moins de 5km. Les habitantes n’ont donc pas besoin qu’une autoroute rase leurs terres.
– Le tronçon coûterait environ 6 euros aller-retour. Les profits d’eiffage (immense entreprise privée qui a signé le contrat de concession) seront faramineux et sur le dos des usagèrexs. Et c’est un grand manque à gagner pour l’état et de l’argent qui ne pourra pas être réinvesti pour le développement des transports publics ou des politiques de transition écologique.

Sources

 

  • Lettre des coopératives laitières du massif des Moises et de Brenthonne aux élus de la CASMB, presse, sénateurs et députés haut-savoyards
  • Décret DUP 24 décembre 2019, site de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes
  • Loi n° 2023-649 du 21 juillet 2023 visant à régulariser le plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas Chablais et articles de presse la concernant
  • La Déroute des routes
  • Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur la liaison autoroutière concédée entre Machilly et Thonon-les-Bains, les mises en comptabilité des documents d’urbanisme et la suppression des passages à niveau n°65 et 66 à Perrignier (74), 2017
  • Moktharian P. L, Samaniego F. J, Shumway R. H, Willits N. H (2002), Revisiting the notion of induced traffic through a matched-pairs study, Transportation 29, pp. 193-220
  • Mémoire de la SNCF en réponse à l’autorité environnementale